23/04/2024

Escalade et responsabilité en falaise

Cadre législatif 

La loi Française s’appuie sur le principe du « gardien de la chose ». Contrairement au système anglo saxon où c’est le « à vos risques et périls » qui prévaut.

Exemple : En France un voleur pénètre dans votre jardin et se noie dans votre piscine non protégée : la famille du voleur vous fera un procès ……..qu’elle risque de gagner

Pourquoi ? Parce que tout se qui se passe chez vous est de votre responsabilité selon le principe du gardien de la chose. 

En France toutes les falaises appartiennent à « quelqu’un », personne physique (Vous ou moi) ou personne morale (mairie, département, communauté de communes ….)

Afin de permettre la pratique du plus grand nombre , la FFME (à laquelle vous êtes affiliées via EVO) signe des conventions avec les propriétaires afin d’alléger leurs responsabilités.  

C’est l’assurance de la FFME (Allianz, cabinet Gomis à Toulouse) qui couvre  les grimpeurs depuis que cette politique de conventionnement a été mise en place au début des années 90.

Oui mais 

En 2010 un accident a eu lieu dans le sud de la France. (Vingrau) Un grimpeur a fait tomber un rocher de plusieurs tonnes sur sa compagne qui l’assurait 12 mètres plus bas.  

Bilan : Amputation du bras pour la jeune fille, chute de 12 m pour le grimpeur (4 ans d’interruption de travail) 

Facile d’imaginer les frais engagés !  

Les assurances des grimpeurs mettent le nez dans le dossier et, compte tenu des frais ,se retournent contre ……….La ffme qui avait conventionné la falaise. Les dédommagements frôlent les 1 400 000 euros (vous avez bien lus 1 400 000).
Après des années de procès et de rebondissement, la FFME a été reconnu responsable en décembre 2020 car, à travers les conventionnements, la fédération se porte garant et est donc responsable de ce qui se passe « chez elle » (le fameux « gardien de la chose »)

Le(s) paradoxe (s) :  

Les grimpeurs en cause dans l’accident  n’étaient pas affiliés à la FFME.  

Il faut savoir qu’on compte en France un peu plus d’1 000 000 de grimpeurs réguliers (3 000 000 occasionnels) pour 108 000 affiliés à la FFME  et 70 000 au CAF. Ce sont ces grimpeurs qui paient pour équiper les falaises car une partie de votre licence sert à financer l’équipement des falaises, leur entretien, leur réaménagement…. 

Ce sont également ces grimpeurs qui paient une assurance pour couvrir ceux qui, de l’autre côté, pratique en « sauvage » (comme ce fut le cas à Vingrau) mais qui, malgré tout, bénéficie de l’assurance de la fédération. (que vous payez) 

Dès qu’une falaise est conventionnée (elles le sont presque toutes) la ffme est responsable. Sauf que, vous le savez, une falaise vit au jour le jour. C’est un milieu naturel qui évolue et qu’il est difficile d’aseptiser. Les accidents sont « probables » car la nature est changeante et évolutive. C’est la même chose pour la mer, les rivières, les chemins de randonnées……. Rien n’est figé comme une SAE ,  un court de tennis, un terrain de foot. … 

Une affaire de gros sous 

 L’assurance Gomis ne veut  donc plus couvrir  la FFME.  

Pourquoi ? 

Le calcul est simple : Quand vous payez votre adhésion au club (entre 120 et 140 euros) ,EVO reverse 62 euros à la FFME. Environ 15 euros de cette somme est allouée à l’assurance. Et croyez moi, vous êtes bien assurés.  

Soit 108 000*15= 1 620 000 

Gomis perd donc de l’argent avec la FFME  car l’accident de Vingrau n’est pas le seul. La fédé couvre tous les grimpeurs au quotidien, les petits comme les gros bobos. Il est aisé de comprendre qu’à ce jour aucune assurance ne reprendra le dossier compte tenu de la loi en cours. De plus, le procès de Vingrau a fait jurisprudence et la fédé est, de nouveau,  attaquée suite à deux accidents légèrement similaires. (on atteindrait les 2 000 000 d’euros de dédommagement) 

Gomis va donc être contraint de payer des sommes considérables alors que, d’un autre côté, les rentrées d’argent ne suivent pas.

Plusieurs  solutions : 

  • Que la loi change (ce qui risque d’arriver  d’après les récentes  infos ) 
  • La ffme déconventionne les falaises (c’est déjà le cas pour nombre d’entres elles suite aux conclusions du procès de Vingrau) 
  • La fédé augmente la part de l’assurance. On parle de 10 euros  de plus dans les années prochaines. La fédé ne peut prendre cette décision qu’en accord avec les comités, les ligues, les présidents de clubs. 
  • Les propriétaires s’assurent eux-mêmes pour leur falaise.
    Inimaginable pour un particulier de prendre en charge une telle responsabilité.
    – Les communes, quant à elles,  se refusent à le faire parce que le grimpeur n’est pas forcément le bienvenu sur leur territoire. L’image du grimpeur est assez « obscure » pour le grand public et pour les élus !!!. Le pratiquant est perçu comme peu consommateur (voir même comme un crevard car il ne se nourrit que de graines, vit un dans un camion et ne se lave qu’aux torrents des rivières). IL n’apporte donc pas de plus value commerciale hormis à quelques grandes « stations » d’escalade (Orpierre, Buis les baronnies, Ailefroide…… Et d’autres haut lieu de la grimpe  sur lesquelles les mairies ont accepté de communiquer à des fins politiques)
     

Notre avis à EVO

Nous avons été sollicités, en tant que président de club, pour connaitre notre avis sur l’augmentation de la part assurance de notre licence. 
Difficile de se prononcer  et plusieurs choix s’offrent à nous  : 

1/ Nous refusons  l’augmentation = Plus de falaises (Gloup’s) 

2/ Nous l’acceptons  = nous  demandons un effort financier  à nos  licenciés Orléanais qui ne vont grimper que trop rarement en falaise.  Cet effort va permettre à certains « montagnards » d’être assurés sans avoir à payer le moindre centime. Ils sont, je le rappelle selon les estimations, près de 800 000 à s’amuser régulièrement sur les falaises Françaises.  

Y aurait pas un paradoxe  là encore ? 

En effet,  ceux qui paient ne pratique pas, ou peu. (en tout cas à Orléans) et ceux qui pratiquent ne contribuent  pas à l’équipement, entretien, assurance…

Conclusions 

Nous attendons et accueillerons donc  avec joie le changement de la loi qui semble se profiler car le dé-conventionnement général risquerait de nous faire mal…..Très mal   

Le résumé ci-dessus ne saurait traduire exhaustivement toutes les tensions , choix, politiques qui règnent dans le milieu de la grimpe en France.   

La fédé est accusée, en son sein même, de n’avoir pas su gérer sa politique de conventionnement depuis 30 ans. Certains l’accusent d’avoir tout misé sur les SAE, la compétition, l’Olympisme à des fins pécuniaires. D’autres lui reprochent son centralisme de « bobo » Parisiens éloignés de la réalité du terrain.  

Bref, ce n’est pas simple et, je constate, impuissant, que notre pratique est entre les mains , une fois de plus, des assureurs et des politiques. L’escalade n’échappe pas à la judiciarisation du monde et encore moins aux enjeux financiers qui le gouvernent.  

Sur ce : Bonne grimpe  

Chris